Sujet ô combien tabou, la mort s’est invitée dans la tanière familiale Loupiot à Granby, le temps d’une soirée orchestrée par l’Équipe d’accompagnement Au Diapason. SERY avait été convié à ce rendez-vous placé sous le signe des Cafés Mortels, un concept qui a fait tâche d’huile dans le monde avec plus de 10 000 rencontres autour de la Grande Faucheuse.
Le Québec fait partie de ces sociétés où on « camoufle la mort », pour reprendre les mots d’Hélène Giroux. En préambule de l’échange programmé le 15 octobre 2024, la modératrice de l’Équipe d’accompagnement Au Diapason a rappelé la vocation des Cafés Mortels, lesquels ont répandu leurs effluves libératrices dans 69 pays. Il était écrit qu’à Granby, la mort ne serait plus tabou le temps d’une soirée prévue pour durer 1h30. Respect et ouverture étaient les maîtres-mots de cet espace de discussion visant à nourrir la réflexion et peut-être faire changer certaines perceptions. Vu le sujet abordé et les émotions incluses dans son forfait, des boîtes de mouchoir avaient été disposées ça et là sur les tables, au cas où. Les petites bougies artificielles accentuaient quant à elles l’intimité du moment.

MOINS DE RITUEL
SERY était présent à cette soirée. Pourquoi ? Parce que le thème choisi – Naître ailleurs, mourir ici – entre en résonance avec notre clientèle, composée essentiellement de nouveaux arrivants. Le deuil à distance fait d’ailleurs partie des sacrifices consentis par ceux et celles qui décident un jour de quitter leur pays pour un autre.
La première à prendre la parole fut Isabelle Meunier, notre directrice du service aux immigrants. Cette dernière a notamment souligné que la mort, avec ses rituels et croyances associés, n’était pas un sujet évoqué ou partagé facilement par les immigrants. Elle a aussi reconnu que dans les sociétés dites occidentales, les traditions liées à la mort avaient perdu de leur substance. « On a déritualisé la mort pour l’institutionnaliser » a-t-elle résumé. Le constat, lapidaire, a semblé faire consensus dans l’auditoire.

UNE IMMIGRANTE TÉMOIGNE
Une autre représentante de SERY était présente ce soir-là. Estelle Dombu Ninyim. Cette Camerounaise arrivée au Québec en septembre 2023 a perdu brutalement son père en avril 2024. Son témoignage fut écouté avec la plus grande attention. En totale osmose avec le thème retenu, l’adjointe à la direction a dans un premier temps évoqué la solidarité africaine qui l’a enveloppée et empêchée de sombrer. « Très vite après l’annonce du décès de mon père, mon appartement s’est retrouvé plein de gens. Il y avait même des personnes de la communauté (africaine) que je ne connaissais pas. Chez nous, on appelle ça – Chasser le deuil – et je dois avouer que cette bienveillance m’a beaucoup aidée. »
Son intervention lui a aussi permis de mettre en avant le soutien de sa famille résidant au Québec, à commencer par ses deux filles, âgées de 9 et 15 ans. « C’est un peu comme si elles étaient devenues les mamans et moi l’enfant », a-t-elle illustré pour appuyer son ressenti. Estelle en a aussi profité pour partager le cadeau offert par sa progéniture pour soulager sa peine : « Elles m’ont dit qu’on avait gagné un ange dans le ciel. »

BAVARDE, LA VIE
Les échanges avec notre collègue ont en outre été l’occasion d’en savoir plus sur les rituels liés à la mort dans son pays. L’occasion de découvrir que les proches prenaient le temps de dire au-revoir au défunt ou à la défunte, alors qu’au Québec, c’est une affaire vite réglée, pour reprendre le sentiment ambiant parmi les participants. Des questions ont aussi été posées sur les croyances sur la vie après la mort, ou encore sur l’aide médicale à mourir, autorisée au Québec mais qui peut heurter certaines valeurs parmi la population immigrante.
La suite de la soirée a permis à d’autres personnes de s’exprimer sur des situations vécues, en rapport avec la mort, et le cortège de réflexions que cela suscite. La première d’entre elles est sans nul doute de profiter du moment présent. « La mort donne un sens à la vie » a d’ailleurs rappelé une participante. Chose certaine, la mort n’aura pas eu le dernier mot à l’issue de ce Café mortel où le souffle de l’existence s’est fait sentir parmi les personnes présentes.
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