Une passerelle vers l’humain (5)

À SERY, on s’est dit que le projet Nous sommes Granby, inauguré en mai dernier sur la passerelle citoyenne du lac Boivin, était un bon prétexte pour s’intéresser aux immigrants mis en lumière à travers les jolis portraits d’Atelier 19 qui ornent cette traversée. Alors on a lancé quelques hameçons, avec la volonté d’en savoir plus sur ces personnes inspirantes. Plusieurs d’entre elles ont répondu à notre invitation, ravies de pouvoir nous partager un lopin de leur histoire. On vous présente Enock Mayogi pour l’épisode 5.

Rencontrer Enock, c’est d’abord apprendre une leçon. C’est lui qui vous la donne, avec son sourire en bandoulière et sa bonne humeur contagieuse. Enock est handicapé. Il doit à la guerre sa paralysie du côté gauche. La balle qui a pénétré son corps a modifié son existence, mais pas sa volonté. Ironie cruelle du destin : c’est au Rwanda, où lui et les siens avaient trouvé refuge en raison de conflits dans leur Congo natal, que sa vie a basculé.

Avant notre rendez-vous, cet homme fonçant vers ses 34 ans avait annoncé qu’il viendrait avec son « motorisé ». L’auteur de ces lignes a alors pensé à une moto ou une autre monture de ce type. Quand on s’est rencontré, il a fallu se rendre à l’évidence. « D’habitude, je l’appelle ma Cadillac », dit-il à propos de son fauteuil électrique. Une vitesse maximale de 11 km/h pour une autonomie de 8 heures. Voilà pour la brève présentation de son compagnon de route, auquel il fait parfois des infidélités avec une canne de couleur rouge. Car Enock peut marcher. Après plusieurs opérations, il a pu goûter à la joie de se tenir à nouveau debout.

Enock Mayogi n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Malgré son handicap, ce Congolais souriant a décidé de prendre la vie du bon côté.

SERY ET LES AMIS

C’est une personne du CRIF (Centre régional intégré de formation) qui a référé Enock pour le projet Nous sommes Granby porté par Atelier 19. L’intéressé trouve un peu étrange de voir son portrait sur la passerelle citoyenne, même s’il en tire une certaine fierté. « Je ne m’attendais pas à devenir célèbre. »

Enock est arrivé au Québec en 2007, d’emblée à Granby, avec sa mère et ses 8 frères et sœurs. Durant quelque temps, il a navigué entre les études et les opérations chirurgicales pour tenter de le remettre sur pied. Comme souvent avec les immigrants, sa famille a été dirigée vers SERY, qui a veillé à les accompagner sur plusieurs fronts, notamment la francisation et la recherche d’un logement. « C’est un organisme bien accueillant », relate Enock avec gratitude en repensant notamment aux bénévoles qui l’ont accompagné à ses différents rendez-vous médicaux.

Si notre équipe leur a été d’un grand secours, Enock n’oublie pas de mentionner les Québécois qui leur ont permis de s’adapter à leur nouvel environnement. « Si on veut avancer et s’intégrer dans cette société, il faut se faire des amis et s’intéresser à la culture locale », dit-il. Lui n’en manque pas.

Enock le jour de l’inauguration du projet Nous sommes Granby.

LA NEIGE CÔTÉ VILLE

Celui qui a terminé son Secondaire 5 au CRIF rêve de pouvoir travailler un jour dans l’informatique. Heureux de sa vie au Québec, entouré de ses proches, avec lesquels il vit, Enock a appris à ne pas brûler les étapes pour progresser. De son pays natal, peu de choses lui manquent, si ce n’est la nombreuse parenté qui y est restée. Il a pu en revoir une partie lors d’un voyage en 2019, pour assister au mariage d’une de ses sœurs. Le reste du temps, Internet lui permet de maintenir ce canal familial.

Quant à savoir ce qui l’a surtout surpris en arrivant au Canada, la réponse est d’une grande banalité. « L’hiver, qu’est-ce que tu veux que je te dise d’autre? », lance-t-il en rigolant. C’est d’ailleurs un sujet qui revient dans beaucoup de conversations avec ses compatriotes demeurés au pays. « Les gens sont surpris d’apprendre que la neige n’est pas que dans les montagnes, qu’elle est aussi présente dans les villes. »

Lui se souvient très bien de sa première rencontre avec le manteau blanc québécois. « Quand j’ai vu les flocons tombés de nulle part, ça ne m’a pas dérangé. Mais quand j’ai vu les centimètres s’accumuler, alors là j’ai compris », raconte-t-il avec le ton enjoué qui le caractérise. Celui d’une personne qui a compris que les obstacles ne devaient pas gâcher sa vie.

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